En quelques semaines, il y a eu trois attaques fascistes à Lyon, des opérations policières ont été effectués dans trois villes, des dizaines de personnes ont été convoquées aux postes de police et soumises à des pressions.
Le jeune kurde Rohbin se trouvait à l’association le jour où des dizaines de racistes guidés par Ankara ont attaqué à Lyon. Ils étaient quatre contre plus de vingt personnes cagoulées qui essayaient de pénétrer à l’intérieur.
L’attaque qui a eu lieu le 3 avril a fait échos en France. Il s’agissait d’une attaque murement planifiée, selon des organisations kurdes. Tous les auteurs de l’attaque étaient habillés en noir et portaient des cagoules noires.
Des hommes cagoulés et habillés en noir
Il n’y avait que quatre personnes ce jour-là au Centre culturel de la Mésopotamie, situé au 7eme arrondissement de Lyon depuis plus de 20 ans. Les assaillants avaient d’abord fait des repérages autour de l’association afin d’attaquer au bon moment.
Avant l’attaque, il y avait un groupe de jeunes anarchistes sur place pour la protection de l’association kurde. Lorsqu’ils ont quitté le lieu pour une autre action vers 14h00, les assaillants ont lancé l’attaque.
« Apparemment, ils surveillaient l’association » dit Rohbin. Il affirme que trois suspects avaient déjà été vus le 25 mars autour de l’association en faisant des repérages. « Nous avons vu leurs visages, mais nous n’avons pu prendre que des photos sur lesquelles on voit leurs dos. L’attaque a eu lieu une semaine plus tard. »
Selon Rohbin, ceux qui ont attaqué l’association comptaient environ 25 personnes et quelques 15 personnes prenaient la garde autour de bâtiment.
« Ils avaient des coups de poing américain, des battes de baseball, des couteaux. Ils n’ont pas eu l’occasion d’utiliser les couteaux » ajoute-t-il.
Les quatre kurdes essayant de protéger l’association ont également été blessées. « Nos blessures ont été faites avec des coups de poing américains » dit Rohbin. « Ils étaient tous habillés en noir et ils portaient tous des cagoules. Faisant tous environ 1m65, ils avaient entre 20 et 25 ans. Ils savaient se battre en combat rapproché. »
« Ils voulaient nous lyncher et publier nos photos sur les réseaux sociaux »
Affirmant qu’ils ont résisté aux attaques avec des boules de billard, des queues de billard, des verres à thé et des chaises, Rohbin assure qu’ils n’ont pas les laissé entrer à l’intérieur de l’association. « Ils voulaient probablement nous lyncher et publier nos photos sur les réseaux sociaux, mais ils ont échoué. »
Cinq à six assaillants ont été blessés et ils ont dû fuir, selon le jeune kurde qui dit qu’ils ont laissé un téléphone portable derrière eux. « Nous l’avons donné à la police. »
Les responsables de l’association déclarent avoir informé à plusieurs reprises la police de la menace fasciste, mais aucune mesure n’a été prise.
Avant le 3 avril, deux autres attaques ont eu lieu au mois de mars. Au retour de la manifestation du 20 mars pour célébrer le Newroz, quatre manifestants qui apportaient les drapeaux et les banderoles à l’association ont été suivis par une vingtaine de personnes. Conscients du danger, les manifestants ont tout de suite informé d’autres personnes qui se trouvait à environ 1 kilomètre d’eux.
« Nous sommes arrivés à temps », dit Rohbin. Six assaillants ont été blessés lors de cette bagarre. « Ils n’avaient ni carte d’identité ni téléphone. C’était une attaque planifiée. Et ils avaient été amenés de l’extérieur de Lyon. »
Rohbin rappelle également l’attaque du 24 mars, soit quatre jours après la manifestation de Newroz, lors de laquelle des menaces telles que « RTE » (Recep Tayyip Erdogan) et « Soyez sages » avait été tagué sur les portes de l’association.
« Ils sont nombreux à Lyon, mais ils n’ont pas de courage. Ils agissent comme des chacals » dit Rojbin, tout en affirmant que ces attaques sont liées à Ankara : « Il s’agit probablement des attaques liées à la situation en Turquie. L’État turc organise de telles attaques chaque fois qu’il entre dans une période de crise. »
Les réseaux criminels turcs
Les organisations kurdes en France ont pointé du doigt la formation raciste paramilitaire des Loups Gris, après les attaques de Lyon. « Il est clair que, à l’instar de précédentes attaques perpétrées par les loups gris sur le sol français, cette dernière attaque est entièrement orchestrée par les services de renseignements turcs afin de semer le chaos sur le territoire national » a dénoncé dans un communiqué le Conseil démocratique kurde de France (CDK-F).
Début novembre, le Conseil des ministres avait décidé de dissoudre officiellement Les Loups Gris, mais il semble qu’aucune sanction n’ait été imposée, alors que cette organisation en tant que force paramilitaire de l’État turc ont commis de graves crimes contre les Arméniens et les Kurdes en Turquie et sur le sol français.
Les autorités françaises encouragent les attaques fascistes
Ces attaques, liées à la politique antikurde d’Ankara, sont également encouragées par les récentes pratiques répressives de la France contre les Kurdes.
Les attaques à Lyon interviennent notamment au moment où la police française a mené des perquisitions simultanées dans trois villes. Au moins 12 Kurdes ont été arrêtés à Paris, à Marseille et à Draguignan le 23 mars, sept d’entre eux ont été emprisonnés.
La politique d’intimidation exportée
Pour Erhan Tarhan, le coprésident du Centre communautaire démocratique kurde à Marseille, ces perquisitions sont de nature politique : « Nous sommes sûrs à cent pour cent que ces opérations ont été effectuées sur la base d’une décision politique venant du haut. Nous les considérons comme faisant partie de la politique d’intimidation menée par la Turquie contre les Kurdes où qu’ils soient. »
Après les dernières perquisitions, la répression antikurdes à Marseille aurait pris une nouvelle dimension. Selon Tarhan, « la politique d’intimidation menée par le régime Erdogan a été mise en œuvre » sur le sol français.
Le coprésident de l’association affirme qu’une centaine de personnes ont été convoquées au commissariat à des moments différents et ont subi des pressions. Les enquêteurs auraient même tenté de forcer certaines personnes à dire que l’association kurde exerces des pressions sur la communauté kurde. « C’est la première fois que les Kurdes sont convoqués d’une telle ampleur. Cela ressemble à la répression systématique mise en œuvre par la Turquie », a-t-il dénoncé.
Rappelant qu’ils ont fait appel pour la libération de sept Kurdes, il a affirmé : « « L’état de santé des deux d’entre eux ne permet pas qu’ils restent en prison. Parmi eux, l’un a le cancer. »
Les méthodes d’Ankara sont de plus en plus évidentes à Paris. Vedat Bingol, ancien coprésident du CDK-F, a été convoqué le 24 mars au poste de police. Il est allé avec son avocat. « Lorsque nous sommes allés au poste de police, il y avait un dossier de 10 pages sur un procès intenté par les procureurs d’Ankara » raconte l’ancien coprésident.
« Il y avait notamment des photos prises sur les réseaux sociaux et une ou deux photos tirées d’un livre préparé par la SETA (Foundation for Political, Economic and Social Research, une organisation affiliée au gouvernement turc) sur nos activités en Europe. »
Affirmant que leurs partages sur les réseaux sociaux étaient considérés comme un crime par Ankara, Vedat Bingol dit qu’il a refusé de répondre aux questions.
Depuis 2019, une nouvelle forme de répression
Vedat Bingol parle notamment d’une nouvelle forme de répression comme le gel des avoir et le gel des comptes bancaires, mise en œuvre depuis 2019. Des dizaines de Kurde ont été visés par cette mesure.
Faisant référence à une rencontre entre les ministres des affaires étrangers des deux pays à Ankara, le 13 juin 2013, au cours de laquelle le ministre turc ne cachait pas sa satisfaction pour la nouvelle mesure prise par la France, le représentant kurde souligne que la nouvelle forme de répression est liée à Ankara.
Pour Vedat Bingol, les arrestations de Kurdes à Marseille étaient également liées à deux rencontres entre les responsables des deux pays : le 2 mars, le président français Emmanuel Macron et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan s’étaient entretenus lors d’une visioconférence. Le 18 mars, Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, s’était entretenu par téléphone avec son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu.
Sous les sanctions de l’État français, le porte-parole du CDK-F Agit Polat estime qu’il existe des structures pro-turques au sein de l’État.
« De temps en temps, certaines structures pro-turques qui sont devenues actives dans les rouages de l’État prennent pour cible les Kurdes vivant en France » souligne-t-il.
Il cite notamment les opérations à grande échelle contre les associations kurdes en 1993 et l’arrestation de plus de 700 Kurdes dans le cadre des enquêtes menées par le parquet antiterroriste de 2006 à 2013, l’année où trois femmes kurdes ont été assassinées en pleine cœur de Paris.
De 2013 à 2019, « je peux dire clairement que les Kurdes n’ont pas subi la pression de la part de ces structures » dit Agit Polat pour qui « les principales raisons sont l’assassinat de trois femmes et la lutte des Kurdes contre Daech au Rojava et au Kurdistan du Sud (Kurdistan irakien) »
Soulignant que la légitimité de la lutte du peuple kurde a influencé certains bureaucrates français, il pense qu’il y a « un avant et après 2013 » en ce qui concerne la position des autorités française sur le dossier kurde. « Mais nous observons un changement de politique à partir de 2019 » ajoute-t-il, rappelant la libération du Baghouz, le dernier bastion de Daesh en Syrie.
Le bilan de la nouvelle campagne de répression
Les opérations policières et les convocations « suspectes » visant les Kurdes en sont la preuve manifeste.
-Début 2019, les avoirs de 16 activistes et responsables kurdes ont été gelés en vertu d’une sanction administrative au motif qu’ils soutenaient « l’organisation terroriste ».
-En février 2020, 6 militants kurdes ont été arrêtés à Bordeaux sur ordre du parquet antiterroriste et emmenés à Paris. 5 d’entre eux ont été libérés, tandis que le sixième est toujours en état d’arrestation.
– En septembre de la même année, les autorités françaises ont osé, peut-être pour la première fois, à expulser un militant kurde, père de trois enfants nés en France, qui avait demandé l’asile politique il y a 14 ans, en violant à la fois sa propre loi et la Convention de Genève.
-En 2020, le statut d’asile politique de 4 Kurdes vivant en France depuis plus de 20 ans a été annulé en 2012 au motif qu’ils avaient été condamnés pour « terrorisme ».
-En janvier 2021, les avoirs de 14 Kurdes ont été gelés.
-Le 5 avril 2021, les avoirs de 6 autres Kurdes ont été gelés.
-En mars 2021, de nombreux Kurdes ont été arrêtés dans trois villes, notamment à Marseille, 7 d’entre eux ont été emprisonnés.
-Des centaines de kurdes ont été convoqué par la police. Ils sont soumis à un interrogatoire, considéré comme une tentative d’intimidation.
« Pour terminer, la décision de geler nos avoirs, qui était intervenue à la veille de la visite du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian en Turquie le 13 juin 2019, a été renouvelée le 15 avril 2021 » dit Agit Polat.
L’objectif est d’intimidation
Pour Agit Polat, « ces sanctions, qui n’ont aucune base légale et qui constituent une décision purement politique, visent essentiellement à intimider les militants kurdes. »
Agit Polat appelle la France à mettre en place une politique kurde cohérente. Rappelant que la France est un pays ou 300 milles kurdes vivent dont parmi eux des dizaines de milliers y sont nés, un pays qui a combattu aux côtés des Kurdes contre Daech, mais aussi un pays ou trois femmes kurdes ont été tuées dans sa capitale en 2013, il affirme qu’une politique cohérant et juste est inévitable, car la conjoncture politique lui l’imposera dans un avenir proche.
Maxime Azadi